L’altercomprenant (péremptoire)
De toute façon, on est tous exploités par notre employeur !
Laure (jouant les naïves)
Pourquoi ? Il nous paye à la fin du mois, non ?
L’altercomprenant
Oui, mais tu penses bien que s’il peut nous payer ce qu’il nous paye, c’est qu’il gagne bien davantage sur notre dos. C’est pour ça que je dis qu’il nous exploite.
(oh oh, mais c’est pratiquement son catéchisme marxiste qu’il nous récite là : théorie de la plus-value, de la valeur-travail, du pauvre prolétaire qui-n’a-que-sa-force-de-travail-pour-vivre, etc.)
Laure (interrogative)
Mais qu’est-ce qui nous empêche de mettre fin à cette exploitation en démissionnant ? On est pas obligés de travailler pour lui, si on pense qu’il nous exploite, non ? Et il y a des gens qui font le même travail que nous et qui ne sont pas salariés, ils travaillent en indépendants. Si un client est trop casse-pied ou trop radin, ils le laissent tomber.
L’altercomprenant (se récriant)
Tu n’y penses pas ? Moi, j’ai besoin de travailler pour vivre, et c’est pareil pour tous les salariés que je connais. Et je n’ai pas envie de devenir indépendant, c’est trop précaire. Comme tous les patrons savent ça, ils en profitent pour nous exploiter.
Laure (psychologue)
En somme, si je comprends bien, tu reportes ton problème personnel sur le patron : au lieu de reconnaître que tu as choisi ton statut de salarié, avec les avantages et les inconvénients que ça peut comporter, tu préfères dire que le patron t’exploite. Un peu facile, non ?
L’altercomprenant (avec un petit haut-le-corps)
Alors là, c’est moi qui ne comprends plus. Pourquoi ce serait de ma faute, à moi ?
Laure (pédagogue)
Tu dis que tu as besoin de travailler pour vivre (en passant, c’est le cas aussi pour notre patron, sinon il ne viendrait pas se faire ch*** tous les jours dans ce bureau, mais bon). Est-ce que c’est la faute du patron si tu n’as pas gagné au loto ? (c’est pas faute d’essayer, pauvre crétin, tu passes assez de temps tous les jours absorbé dans tes jeux de hasard à décider comment et combien l’Etat va encore te voler par ce biais).
L’altercomprenant (un peu perdu)
Ben alors, c’est la faute à qui ?
Laure
Le patron ne t’oblige à rien, si ce n’est à respecter ton contrat de travail. Dire qu’il t’exploite, c’est nier ta propre responsabilité et déclarer que c’est lui qui est responsable de ta situation, alors qu’il n’y est pour rien, autant que je sache. Par confort et par choix, tu préfères démissionner de ta responsabilité personnelle, plutôt que démissionner de ton travail !
L’altercomprenant
Mais si je démissionne, je me ferai exploiter ailleurs, par un autre patron. Qu’est-ce que ça change pour moi ?
Laure
L’exploitation, c’est comme l’esclavage : c’est lorsque quelqu’un d’autre nous oblige à faire ce qu’on ne voudrait pas faire de notre plein gré. Qui t’a obligé un jour à signer un contrat de travail ?
L’altercomprenant
Personne. Mais il faut bien vivre !
Laure
Etre obligé de travailler pour vivre n’entraîne pas que la société soit obligée de nous fournir un travail. D’un côté, tu affirmes que tu as besoin de travailler ; d’un autre côté, tu critiques ceux qui proposent des emplois - et que personne ne force à faire ça. Mais pourquoi proposeraient-ils des emplois s’ils n’y trouvaient pas leur compte, à la fin ? Juste pour te faire plaisir ?
L’altercomprenant (bafouillant)
Disons que je pense que je ne gagne pas autant que je pourrais gagner si, dans un monde idéal, les patrons n’existaient pas...
Laure
C’est sûr qu’avec toutes les cotisations et charges que l’Etat prélève sur ton salaire, tu es forcément sous-payé, et moi aussi. Et là, tu n’as pas le choix, l’esclavage, c’est bien là qu’il se trouve, et pas ailleurs. Et il est impossible que les patrons n’existent pas, car même dans ce cas, eh bien tu serais ton propre patron, bien obligé de l’être !
L’altercomprenant (à bout d’arguments)
Reconnais quand même qu’être salarié, c’est pas le Pérou. Patron, c’est quand même être du bon côté du manche. La vie est injuste.

Laure
Ton point de vue, c’est le point de vue limité du salarié qui voit tout à travers sa petite lorgnette, et qui croit que les objectifs du salarié et du patron sont forcément irréconciliables. Si c’était le cas, si être salarié était un esclavage, chacun ici-bas serait à son propre compte, personne ne voudrait être salarié. Comme ce n’est pas le cas, il faut donc croire que le statut de salarié convient à pas mal de gens.
L’altercomprenant (boudeur)
Ah bon, alors si toi aussi tu es pour les patrons... (long silence). Tu ne serais pas un peu ultra-libérale sur les bords ? Pourtant je ne t’ai jamais vu lire le Figaro (organe central bien connu de l’horrible Parti Ultralibéral Français : « exploiteurs de tous les pays, unissez-vous ! »)...
Laure
Non, je suis libertarienne. Pour moi, chacun est son propre patron. J’estime que chacun devrait s’occuper de soi-même et ne pas embêter les autres en essayant de les rendre responsables de ses propres soucis, surtout quand ils n’y sont pour rien.
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Malgré ce dialogue de sourds, je crois qu’il se passera pas mal de temps avant qu’il déballe à nouveau sa mauvaise foi altercomprenante et se plaigne de son patron devant moi...
4 commentaires:
Amusant et instructif.
Cachez-donc un enregistreur dans votre poche la prochaine fois ...
Bon l'interressé risque de ne pas apprecier si il tombe sur le resultat, mais cela serait interressant.
PS : http://labaf.blogspot.com
notre dernier gag est en ligne. Clearstream une bataille de poissonniers
Il y a de la friture dans le "clear stream"... Voilà qui me rappelle les bagarres entre Cétautomatix et Ordralfabétix. Mais qui est le poissonnier, Sarkozy ou Villepin ?
Les vrais rouges sont tellement de mauvaise foi et idéologiquement abrutis qu'aucun dialogue n'est possible avec eux...
C'est rassurant quand même de voir que tout le monde n'est pas imperméable au bon sens et que la raison arrive à percer sous l'idéologie de la jalousie sociale...
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